Historique

Nettleton State Village d’Ann Leary

Note : ★★★★★ — « Bien que révoltante, j’ai été plus que séduit par cette éloquente et réaliste critique d’un univers bien sombre et dont les secrets démontrent tout le travail réalisé dans le domaine de la santé quant aux conditions de vie apportées aux usagers. J’ai adoré franchir les portes de cet institut en compagnie de personnages forts et nuancés, offrant un savoureux tourbillon d’émotions et d’interactions sociales et sentimentales. »


Pour femmes faibles d’esprit en âge de procréer

Résumé :
L’histoire de deux amies, élevées au sein du même orphelinat, dont la loyauté est mise à rude épreuve lorsqu’elles se retrouvent quelques années plus tard dans un asile, l’une en tant qu’employée et l’autre comme patiente…
1927, Pennsylvanie. Mary Engle, 18 ans, est embauchée pour travailler dans une clinique pour femmes handicapées mentales, le célèbre Nettleton State Village pour femmes faibles d’esprit en âge de procréer. L’établissement est moderne, et ne ressemble en aucun cas aux asiles sombres et miteux qu’elle avait imaginés. Elle se fait rapidement des amis parmi le personnel, et passe ses week-ends à faire des rencontres, sortir, danser, entre deux rendez-vous avec un séduisant journaliste. Plus que tout, Mary adore son travail. Elle est admirative devant sa directrice, la belle et distinguée Dr Agnes Vogel, dont elle ne cesse d’admirer son dévouement envers les centaines de patientes à sa charge. Jusqu’à ce qu’un jour, Mary reconnaisse, parmi ces femmes « faibles d’esprit », Lillian Faust, une de ses amies avec qui elle a grandi à l’orphelinat de Scranton. Lillian était une chanteuse accomplie avec un don pour les langues. Mais elle a également mené une vie « débridée » avant d’être admise à Nettleton. Mary est persuadée que son amie n’a rien à faire à l’asile. Et lorsque Lillian la supplie de l’aider à s’échapper, lui révélant ce qui se passe réellement derrière les portes de la clinique, Mary doit choisir. Croira-t-elle son amie d’enfance, au tempérament volatile et à la moralité questionnable ? Ou le docteur raffiné qui a gentiment pris Mary sous son aile ? Les choix de Mary risquent de changer le cours de sa vie… mais aussi celui de Lillian et de bien d’autres.

Chronique :
Bien que témoignant des comportements déviants concernant le domaine de la santé et des droits des hospitaliers et autres usagers, j’avoue avoir un faible pour ce genre de récit dénonçant les mauvaises conditions de traitements et/ou d’hébergements d’antan et l’évolution, plus que positive, de ces derniers comme est parvenue à si bien le réaliser Ann Leary.

Et ce, encore plus en qualité de soignant, dont je trouve qu’il est primordiale de réaliser se travail de mémoire pour ne pas oublier que, malgré le développement de ce domaine dans de nombreux pays tel que le nôtre, ces changements semblent bien trop récents et que nous pouvons toujours mieux faire afin d’offrir et d’apporter des soins de qualité et d’apporter toute la dignité à chacun, ce dont ont cruellement manqué la population hébergée et représentée dans cette révoltante fiction sous fond de vérité.
Sans être aussi violente et difficile à lire que ce qu’annonçait l’auteure à son lectorat et auquel je m’attendais, je dois bien admettre qu’un fort sentiment d’injustice et de révolte n’a cessé de m’accompagner tout au long de cette lecture que j’ai, pour autant, plus qu’apprécié. En effet, j’ai été des plus sensible à la qualité de la critique et de la dénonciation offerte par Ann Leary débordant de réalisme. L’ambiance se veut ainsi autant malaisante qu’étouffante et les murs de ce huis clos délimitant l’espace de l’intrigue sont d’une véritable froideur. Tout en pudeur, l’auteure lève le voile et dévoile l’envers du décor pour offrir au lecteur les coulisses d’un réputé asile de l’époque où se cachent bien des secrets et autres perversités. Mieux encore et plus que les conditions de l’époque quant aux conditions de vies des internées, cette dernière revient également sur celle de la position de la femme de l’époque, coupable de naître femme sans autres droits que celui d’être docile et soumise à l’homme et de loin son égale.

C’est à l’aide d’éloquents et forts portraits que la romancière parvient à dévoiler un récit aussi juste que tranchant. Ainsi et malgré sa grande naïveté, je me suis très vite attaché à notre héroïne, Mary dont le cœur est aussi pur que les nombreuses actions que cette dernière entreprendra lorsqu’elle ouvrira, après bien des révélations et déceptions, les yeux sur la réalité du monde qu’elle imaginait gravir et conquérir. Orpheline, celle-ci pensait avoir trouvé le travail de ses rêves et le tremplin idéal pour enfin évoluer et briller en société mais cela était sans compter sans sa fortuite rencontre avec son ancienne camarade Lillian qui remettra tous ses acquis en question. Accompagnée du séduisant Jake, celle-ci mènera l’enquête sur l’envers du décor et devra se montrer des plus maligne afin de parvenir à offrir la liberté tant recherchée par les jeunes pensionnaires de Nettleton State Village.
Ainsi et toujours avec réserve et nuance, Ann Leary dévoile de touchantes et complexes relations comme celle des deux amies mais aussi celle plus romantique entre son héroïne et Jake ou bien encore celle plus hiérarchique réunissant notre apprentie et le Dr Agnès Vogel, la directrice de l’établissement. Le plus remarquable reste que j’ai adoré me délecter de chacune de ces différentes interactions offrant de vifs et forts passages certains plus doux ou plus complexes et profonds que l’autre mais qui permettent une réelle mise en exergue des sentiments et une représentation variée de la population d’antan.

Ainsi et bien que révoltante, j’ai été plus que séduit par cette éloquente et réaliste critique d’un univers bien sombre et dont les secrets démontrent tout le travail réalisé dans le domaine de la santé quant aux conditions de vie apportées aux usagers. J’ai adoré franchir les portes de cet institut en compagnie de personnages forts et nuancés, offrant un savoureux tourbillon d’émotions et d’interactions sociales et sentimentales.

Cette lecture a été réalisée à l’occasion du Blossom Spring Challenge – 2023 : Menu Lapin de Pâques – Catégorie Le pudding à l’arsenic.

26 commentaires sur “Nettleton State Village d’Ann Leary

  1. Ce roman me plaisait déjà par son résumé quand je l’ai vu sur ton dernier In My Mailbox, et ta chronique m’a confirmé mon envie de le découvrir. Aussi bien pour le lieu, cet effet de huis clos, que pour le traitement que l’on accordait aux patients et particulièrement aux patientes, il y a quelques années en arrière. Car comme tu le dis, les changements et la prise en charge se sont améliorées, mais finalement cette époque n’est peut-être pas si loin. En tout cas, merci beaucoup pour ton retour positif, et merci pour cette découverte intrigante. 😊

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    1. C’est vraiment un merveilleux travail de mémoire ainsi qu’une pertinente dénonciation des conditions de vie quant aux patientes et patients de l’époque pourtant, comme tu le soulignes, pas si lointaine. Il paraît impensable que le domaine de la santé ait eu autant de difficultés à évoluer et pourtant !

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      1. On sent vraiment que tu as apprécié cette facette du roman, et qu’elle est bien travaillée. Ca m’intrigue, d’autant plus que tu connais ce domaine, le vivant au quotidien. Merci Steven, pour ce partage. 😊

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      2. Avec grand plaisir ! Je suis ravi de pouvoir te donner envie tant l’auteure apporte une belle pierre dans la littérature dédiée aux maladies psychologiques.

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  2. La couverture fait presque froid dans le dos, comme les sujets abordés d’ailleurs, mais c’est un roman qui me paraît passionnant et riche d’enseignements !

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  3. Le réalisme de l’histoire est un gros plus pour donner envie de découvrir cette sombre histoire. Dans le thème, ça me fait penser au Bal des folles que j’ai bien envie de lire aussi.

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    1. Tu me vois ravi de cet intérêt malgré la dureté du sujet. Il est important de mettre en lumière tous les sévices qu’on subit bien des patients dans l’ombre de ces nombreux établissements aux secrets tous justes levés.
      Concernant Le Bal des Folles je suis plus que curieux quant à cette œuvre également.

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  4. J’étais curieuse de lire ton avis, les histoires traitant de troubles mentaux m’intéressent beaucoup et je trouve que c’est difficile d’en trouver qui vaillent vraiment la peine…
    PS: je crois que tu t’es trompé de synopsis 😉

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  5. J’étais déjà tentée comme je te l’avais dit, mais j’avais peur que ce soit trop dur, trop sombre, peut-être un peu surjoué. Ta chronique me rassure sur l’ensemble de ces points et le fait que tu sois un peu du milieu et que tu en approuves la justesse est un sérieux argument pour moi.
    Alors hop wishlist 😁

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    1. Tu peux vraiment tenter cette révoltante lecture qui n’est pas si violente malgré la justesse de la critique réalise ! Ravi de voir ce roman débarqué dans ta WL et qui sait, prochainement dans ta PAL 🙂

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  6. Un devoir de mémoire, même s’il passe par une œuvre de fiction, qui est important d’autant que l’autrice semble avoir trouvé le juste ton ! Quant à la position de le femme à cette époque, c’est aussi un thème qui m’intéresse…

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