Essai·Historique

La Sorcière de Jules Michelet

Note : ★★★★☆ — « Si je passe outre les défauts de cette œuvre, je ne peux nier avoir apprécié cet exercice de lecture. En effet, j’ai découvert à travers cet essai, une analyse passionnée et passionnante quant à un épisode marquant de notre histoire. Bien que le discours de Jules Michelet puisse parfois raisonner daté et alambiqué, je n’ai pu être insensible à la rédemption qu’il apporte avec ferveur aux femmes persécutée. »

Résumé :

Dans cet essai – qui se lit comme un roman –, le grand historien de la Révolution désensorcelle la sorcière : il la réhabilite, en montrant qu’elle n’est que le résultat d’une époque. Dans la société féodale du Moyen Âge, elle est l’expression du désespoir du peuple. À travers la sorcière, c’est à la femme que Michelet s’intéresse : elle dont la servitude absolue la conduit à transgresser les règles établies par l’Église et le pouvoir. Il met en avant sa féminité, son humanité, son innocence : ce par quoi elle subvertit tout discours visant à la cerner. En l’arrachant aux terrifiants manuels d’Inquisition et aux insupportables comptes rendus de procès, en faisant sentir ce qu’il y a d’insaisissable dans la figure de la sorcière, il la rend à sa dimension poétique.

Chronique :
Qui dit occultisme, dit ésotérisme et dit alors sorcières. Ainsi, c’est au cours de différentes recherches sur le sujet que je suis tombé sur le podcast plus que décomplexé de C’est pas Sorcières réalisé par Louise et Marion. Grâce au premier hors série de cette émission, dans lequel les créatrices présentaient leurs bibliothèques magiques, j’ai entendu parler de cet essai. N’étant pas un adepte du genre et malgré sa véracité historique contestée, j’ai eu très envie de découvrir la triste et célèbre chasse aux sorcières subie injustement par la population lors de l’immergence de l’église et ses clergés dans notre quotidien.

Malheureusement et même si j’ai apprécié l’élégante et satinée prose de Jules Michelet, il est indéniable que celle-ci semble des plus datée et alambiquée qui soit. Qu’il m’a fallu faire force de concentration et de focalisation pour tenter d’appréhender et de comprendre au mieux l’approche passionnante et parfois lyrique de la réflexion de l’auteur quant à ce douloureux épisode de notre histoire. En ce sens, j’ai été sensible au discours tenu et établi par ce dernier même s’il est vrai que celui-ci manque clairement de nuances. L’auteur intente, à l’image de l’église contre les femmes d’antan, un véritable procès contre la société ecclésiale qui dominait le monde il y a encore peu. Ce parti pris aurait pu se révéler pertinent si celui-ci s’était construit autour de réels et démontrés faits plutôt que sur certaines affabulations. Finalement, et dans son contexte historique, les travaux de recherches sont assez maigres et malgré une seconde partie axée sur certains célèbres procès, le reste de l’essai m’a semblé bien trop lyrique et mystique qu’autre chose. Néanmoins, cette dimension portée sur les croyances d’antan et autres allégories du genre permettent à Jules Michelet de narrer avec allure et distinction une analyse à l’ambiance envoûtante et mystérieuse.

C’est pourquoi et malgré la véracité de l’apport théorique et historique apportée et en prenant en compte la période antérieure esquissée, nul doute que l’historien redore la figure de la sorcière avec style et réussite. Sans en réaliser l’image moderne que nous connaissons tous maintenant – quoi que encore assez injustement diabolisée dans certains pays et autres sociétés sectaires -, ce dernier dévoile un émouvant et vivifiant portrait de ce que sont ces femmes savantes et libres. Plus que la sorcière, Jules Michelet décortique finalement la place et l’évolution de la femme au sein du monde et ce, de l’antiquité à la révolution française. C’est un des aspects qui m’a le plus convaincu même si son dessin se veut parfois fortement axé et influencé selon les mœurs de l’époque il n’en est pas moins salvateur envers cette population opprimée depuis l’ascension de l’église et dont sa critique se veut fortement tranchante. L’auteur n’hésite nullement à dévoiler au grand jour les failles et autres problématiques liées au domaine ecclésial et son sytème et dont, malgré la dimension assez pieuse de La Sorcière, cet aspect m’a semblé des plus saisissant.

Ainsi et si je passe outre les défauts de cette œuvre, je ne peux nier avoir apprécié cet exercice de lecture. J’ai découvert à travers cet essai, une analyse passionnée et passionnante quant à un épisode marquant de notre histoire. Bien que le discours de Jules Michelet puisse parfois raisonner daté et alambiqué, je n’ai pu être insensible à la rédemption qu’il apporte avec ferveur aux femmes persécutées dans le seul but de mettre en place le système religieux qui gouverne encore certaines visions de notre monde actuel.

18 commentaires sur “La Sorcière de Jules Michelet

    1. Tu m’en vois ravi même si les propos de l’auteur se sont révélés infondés et contestés par les récentes recherches sur la question, il n’en reste pas moins un très bonne introduction que tu pourras compléter par la suite avec La sorcière et l’Occident.
      Surtout que ça colle pile avec le challenge. Curieux et impatient de découvrir ton retour !

      Aimé par 1 personne

  1. C’est un titre que, peut-être, je lirai un jour, mais les critiques quant à sa véracité historique, au travail de recherche, me refroidissent un peu. Voir l’Histoire sous un autre oeil, c’est évidemment une bonne chose, mais si c’est pour tomber dans d’autres élucubrations… je n’en vois pas l’intérêt (même si ça va dans un sens qui me convient mieux en quelque sorte).

    J’aime

    1. Après c’est surtout sur les faits historiques auxquels l’auteur se rattache qui pose quelques soucis de temporalités par exemple. Pour le reste, j’ai assez apprécié son style même s’il peut raisonner assez daté.
      Je pense que cet essai mérite d’être lu malgré ses défauts.

      Aimé par 1 personne

  2. Ayant pas mal travaillé sur la Révolution lors de mes études et j’ai eu à me confronter à Michelet. Je n’ai jamais adhérer à sa plume et en plus je trouve qu’historiquement c’est très discutable, on est vraiment dans une optique de réécriture d’un roman national chez lui.
    Et j’ai l’impression de retrouver une bonne partie de ce qui furent des défauts pour moi dans ta chronique de cet essai. Ce sera donc sans moi même si le sujet m’intéresse.

    J’aime

    1. Je peux comprendre ton ressenti. Étant mon premier exercice en la matière je pense que j’ai laissé passer une certaine indulgence alors que clairement, l’auteure fabule assez et se repose d’ailleurs sur bien des rumeurs plutôt que des faits avérés.
      Je me suis procuré l’essai de Mona Chollet et l’autre que celui-ci te convaincra davantage 😉

      Aimé par 1 personne

    1. Je pense que cette œuvre est une première incursion intéressante dans la chasse aux sorcières qui a eu lieu et à encore lieu dans certains pays. Je pense continuer sur ce cheminement avec Sorcières de Mona Collet, vivement salué par les critiques.

      Aimé par 1 personne

  3. J’étais terriblement impatiente de découvrir cet essai de Jules Michelet, mais énorme déception à la lecture. Je m’attendais à un pur essai, mais c’est vraiment un roman qui en oublie parfois le contenu scientifique. Par ailleurs, je te rejoins quand tu dis qu’il est daté… Ça se sent à la lecture. Surtout que je l’ai lu peu de temps après celui de Mona Chollat qui correspondait plus à ce que j’attendais.

    J’aime

    1. Etant donné qu’il s’agit de ma première expérience avec ce genre de lectures, je pense que je suis assez indulgent même si j’aurais apprécié un apport théorique bien plus développé.
      J’ai celui de Mon Chollet dans ma WL et tu me donnes très envie de craquer !

      Aimé par 1 personne

  4. J’en ai beaucoup entendu parler, mais je n’ai jamais franchi le pas parce que je craignais que ce soit vraiment daté, ce que tu sembles confirmer…

    J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.