Historique

Le banquet des Empouses d’Olga Tokarczuk

Note : ★★★★★ — « Si ce n’est toujours pas fait, je ne peux que vous recommander la découverte de cette auteure au style arrêté et pourtant des plus poétique et nuancé. Avec cette dernière parution, Olga Tokarczuk dévoile une vive et franche critique et déconstruction de notre société et offre un voyage initiatique séduisant bien qu’un brin moins psychédélique que ses précédentes œuvres. »

Résumé :
En septembre 1912, lorsqu’il arrive au sanatorium de Görbersdorf, dans les montagnes de Basse-Silésie, le jeune Wojnicz espère que le traitement et l’air pur stopperont la maladie funeste qu’on vient de lui diagnostiquer : tuberculosis. À la Pension pour Messieurs, Wojnicz intègre une société exclusivement masculine, des malades venus de toute l’Europe qui, jour après jour, discutent de la marche du monde et, surtout, de la « question de la femme ». Mais en arrière-plan de ce symposium des misogynies, voici que s’élève une voix primordiale, faite de toutes les voix des femmes tant redoutées…
Hypersensible, malmené par un père autoritaire, Wojnicz veut à toute force étouffer son ambiguïté et dissimuler aux autres ce qu’il est ou redoute de devenir. Pourtant, une mort violente, puis le récit d’autres événements terribles survenus dans la région, vont le conduire à sortir de lui-même. Alors qu’il est question de meurtres rituels et de sorcières ayant trouvé refuge dans les forêts, notre héros va marcher au-devant de forces obscures dont il ne sait pas qu’elles s’intéressent déjà à lui.

Chronique :
Troisième incursion dans la bibliographie d’Olga Tokarczuk et troisième exercice de lecture. En effet et rien qu’avec son résumé et son intrigant sous-titre j’étais déjà des plus envoûté même si je ne m’attendais pas à être aussi séduit que saisi. Il faut admettre qu’une fois encore, la romancière analyse et déconstruit notre société avec fougue et violence.

En plaçant son intrigue au cœur de sauvages contrées et au sein d’un bâtiment isolé, dédié aux traitements de pathologies respiratoires, que se dessine être les célèbres sanatoriums de l’époque, cette dernière s’offre le luxe de la juste critique. Pour parvenir à cette écriture aussi vrai que nature mais toujours aussi métaphorique que philosophique, Olga Tokarczuk s’inspire d’une figure mythologique, celle des Empouses. En véritables êtres chimériques, ces sortes d’entités se cachent aux yeux des hommes et les pensionnaires de cet établissement de soins n’échapperont nullement à leurs violents et acerbes courroux. Avec fermeté et pourtant nuances à la fois, l’auteure condamne les Hommes avant que ceux-ci ne se condamnèrent eux-mêmes. En effet et à travers son sensible héros, la romancière trace le portraits de tant d’autres allant du simple pieux au grand savant dont le dénominateur commun reste la femme dont l’absence signe son importance et sa place au sein de leur, semble-t-il, bien-pensance.

Une pensée commune des plus misogyne et révoltante qui soit qui permet à Olga Tokarczuk de dévoiler un récit aussi féministe qu’initiatique. En effet, notre jeune homme semble autant en décalage au sein de ce cercle d’hommes – qui n’a pas été sans me rappeler celui des sorcières et qui pourrait se rapprocher d’une pertinente métaphore de cette figure – qu’il l’était avant de tomber malade dans son enfance. En s’appuyant et s’imprégnant de cette fine psychologie, j’ai été des plus étonné et sensible quant à la diversité et la complexité des termes et autres sujets abordés par cette l’auteure. De manière scientifique au début, cette dernière dévoile les traitements, souvent cruels et hypothétiques, d’une telle cure pour sombrer peu à peu dans les sombreurs et autres chimères de tels paysages. Ainsi, ce roman peut se dessiner également gothique tant de mystères et de secrets semblent planer et se cacher derrière ces paisibles montagnes mais également derrière la vision que se font les hommes de leur monde. C’est alors un délicieux voyage initiatique qui attend le lecteur.

Un destin que ce dernier devra accepter de réaliser en se laissant guider par le toujours aussi singulier et poétique style d’Olga Tokarczuk. Bien qu’il s’agisse de ma troisième rencontre avec sa délicate plume, celle-ci est à nouveau parvenue à me transporter dans son univers et ce malgré une approche bien moins psychédélique que celles précédentes. Pour autant et avec illusion et utopie, l’auteure met en lumière de modernes questions sociales allant de la binarité du genre mais également en passant par la diversité sexuelle de l’être humain en s’arrêtant sur sa foi et sa construction un brin manichéenne. Tout cela est progressivement remis en question au rythme de l’évolution de notre protagoniste mais également au rythme de l’élevage de ces troublantes Empouses, semblant une intelligente métaphore de nous-mêmes au sein de notre société actuelle. Qui mieux que l’Homme peut  juger et détruire son prochain ?

C’est pourquoi et si ce n’est toujours pas fait, je ne peux que vous recommander la découverte de cette auteure au style arrêté et pourtant des plus poétique et nuancé. Avec cette dernière parution, Olga Tokarczuk dévoile une vive et franche critique et déconstruction de notre société et offre un voyage initiatique séduisant bien qu’un brin moins psychédélique que ses précédentes œuvres.

21 commentaires sur “Le banquet des Empouses d’Olga Tokarczuk

    1. D’autant plus qu’il me semble que tu n’as jamais rencontrer l’auteure même si pour une première rencontre, je te recommande davantage Sur les Ossements des Morts, mon roman préféré jusqu’à présent de cette dernière 😉

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  1. Je ne me serais pas arrêtée sur ce titre vu le contexte médical, mais vu la réussite qu’avait été ta recommandation de Sur les ossements des morts, je n’hésite pas à ajouter celui-ci à ma WL 🙂

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    1. Alors du coup je ne sais pas si je dois me réjouir ou m’inquiéter de ce choix même si je ne peux que l’approuver. Les messages véhiculés sont aussi forts que touchants donc pourquoi pas. Je croise les doigts 😉

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  2. Je t’avoue que je ne me serai clairement pas arrêtée dessus, ça me paraissait trop complexe peut-être…Pourtant, ton enthousiasme me fait complètement revoir ma copie, je suis très curieuse dorénavant !

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    1. Je peux comprendre mais pour avoir découvert l’auteure il y a quelques temps maintenant et appréciant chacune de mes découvertes, je ne peux que t’encourager à réaliser cette rencontre à tour tour 😉

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  3. AHHHHH tu as lu le nouveau Tokarczuk !! Je suis très content de voir qu’il t’a autant plu que les précédents ! Par contre, la fin est tout de même asse psychédélique, tu abuses un peu. 🥴

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    1. Certes les dernières pages le sont mais je n’ai pas retrouvé l’ambiance si suave des précédentes lectures même si j’ai été sensible aux sujets et à l’ambiance générale de cette sorte d’œuvre gothique dans sa manière de peindre les événements 😉

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  4. Merci pour ce conseil que je m’empresse de noter car j’avoue que ce cadre tuberculeux et ce héros un peu marginal, mis de côté, ont tout pour m’attirer surtout si l’Autriche a une plume aussi arrêté quand tu sembles le dire. Je regarderai également ce qu’elle a écrit d’autres car cela m’intrigue beaucoup. Merci.

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