Chroniques de Steven·Classique

Lady Susan, Les Waton et Sanditon de Jane Austen

Note : ★★★★☆ — « Seul Lady Susan m’a totalement séduit grâce à son héroïne beaucoup moins bienveillante et sage qu’à l’accoutumée et pour l’échange épistolaire parfaitement maitrisé, que j’ai suivi avec entrain et intérêt. Concernant les autres manuscrits, je suis content d’avoir pu les découvrir et je les considère surtout comme un bonus relatif à la plume de Jane Austen. »

Résumé : Lady Susan était resté inédit du vivant de Jane Austen. L’intrigue est entièrement bâtie autour des lettres échangées entre les différents protagonistes : Susan, ravissante veuve d’environ trente-cinq ans, en est le personnage central. Ses agissements volages engendrent bien des critiques. Cette femme spirituelle et sans le sou s’est en effet installée chez son beau-frère, un riche banquier. Est-elle dénuée de scrupules, prête à tout pour faire un beau mariage, ou simplement une coquette qui veut s’amuser ? Le jeune Réginald risque de payer cher la réponse à cette question… Ce texte est suivi de deux fragments inachevés rédigés, l’un au milieu de sa vie, et l’autre juste avant sa mort. Au-delà de leur intérêt documentaire, ils valent par leur qualité littéraire et le plaisir de lecture qu’ils procurent.

Chronique : J’étais très curieux de découvrir ce roman composé d’un des premiers écrits de Jane Austen ainsi que de deux romans inachevés, dont un à cause de sa maladie dont elle décédera quelques mois après. De ce fait, j’avais envie de voir ce que l’auteure nous avait réservé avant de rendre son dernier souffle et surtout ce qu’elle écrivait avant d’être la plume reconnue qu’elle est aujourd’hui.

Lady Susan : J’ai beaucoup aimé la forme épistolaire de Lady Susan, très largement inspirée de Les Liaisons Dangereuses de Pierre Choderlos De Laclos. J’ai trouvé ce choix rafraîchissant du fait que je ne suis pas habitué à ce style, et cela encore moins en ce qui concerne Jane Austen. Malgré ce choix, sa plume n’en est pas moins délicieuse, percutante et facile à lire. Cependant, je dois admettre que j’ai trouvé son style bien moins critique et acerbe que précédemment. Néanmoins, il ne faut pas oublier pas qu’il s’agit de ses débuts dans la littérature et que celle-ci cherchait encore certainement le ton et la forme de son art. De plus, l’échange de ces lettres offrent un rythme certain et se laissent lire avec entrain et intérêt. De format court, cette œuvre est bien plus abrupte et rapide dans l’avancée de son intrigue et sans que cela me dérange totalement, il m’a semblé manquer d’un je ne sais quoi pour que je sois totalement happé par l’ambiance de l’époque.

Pour autant et malgré son format, les personnages sont une fois de plus construits avec assurance et maitrise. J’ai vraiment pris plaisir à suivre Susan Vernon. Cette jeune femme à l’antipode de toutes les héroïnes présentée jusqu’à présent par Jane Austen. Cette dernière se dévoile calculatrice et assez machiavélique, rappelant indirectement la marquise de Merteuil. J’ai aimé cette différence qui offre un nouvel aspect du talent de l’auteure. Suivre les plans diaboliques de cette jeune veuve, à la beauté ravageuse, se veut finalement plaisant et même parfois assez drôle et bien que finalement assez moralisateur, c’est surtout un roman tyrannique qui nous est dévoilé à travers cette héroïne aussi jolie, qu’hypocrite.
Malgré la construction atypique de Lady Susan et Jane Austen étant, de nombreux personnages gravitent autour de Susan et certains m’ont plus ou moins marqué. A commencer par celui de sa fille, Frederica. Celle-ci agit en principal victime de sa mère qui ne cessera de la manipuler à sa guise malgré les nombreux avertissements et autres remarques d’autres protagonistes. J’ai aussi retenu son amie Alicia qui est l’une des pièces maîtresses de toute cette débauche et j’ai fortement aimé lire les lettres échangées entre ces deux femmes, remplies de cynisme et d’immoralité.

Finalement, j’ai beaucoup aimé ce roman de Jane Austen pour la différence qui en résulte. C’est bien la première fois qu’une héroïne de notre auteure est aussi impudente et immorale et j’ai aimé ce choix audacieux. Tout comme j’ai apprécié la différence de construction de son intrigue, faisant de cette œuvre une œuvre distincte du reste de sa bibliographie.

Les Watson et Sanditon : Malheureusement, les deux autres récits présents dans ce roman sont tous les deux inachevés et je trouve cela difficile de juger un tel travail. Néanmoins Les Watson n’a pas été sans me rappeler Orgueil et Préjugés pour sa construction et surtout l’importance de la place de la famille. Celle-ci est l’élément centrale et la clé de cette intrigue incomplète et l’aperçu des relations mets en évidence la joute qui caractérise si bien la plume et le style de Jane Austen. C’est fort dommage qu’on ne sache pas la raison de cet arrêt soudain d’écriture car l’histoire commençait à devenir intéressante et pertinente à lire. D’autant plus que cette dernière se déroulait dans les Landes anglaises que j’affectionne tant.

Pour ce qui est de Sanditon, je dois admettre que j’ai avant tout été séduit par son cadre idyllique et bucolique. En effet, Sanditon n’est autre qu’une petite bourgade en pleine expression, située en bord de mer, grâce à la vision rêveuse de Mr Parker que nous rencontrons en mauvaise posture dès les premières pages. J’ai surtout apprécié le fait que les personnages se développaient en même temps que ce village. Cette combinaison offre un résultat assez unique dont j’aurais aimé connaître la finalité. Surtout que ce choix se veut totalement inédit de la part de l’auteure. Même si cette dernière mettait souvent en avant l’univers de ses œuvres, ce dernier se dévoile être l’élément central de son roman et le lien unique entre chaque personnage.

Ainsi, ces deux manuscrits regorgent d’intrigues que j’aurais souhaité découvrir dans leurs intégralités pour leurs personnages et pour leurs univers. Je ne préfère pas lire la suite de Sanditon, rédigée à partir des notes laissées par Jane Austen et je préfère rester sur une note, certes inachevée, mais authentique.

En conclusion, seul Lady Susan m’a totalement séduit grâce à son héroïne beaucoup moins bienveillante et sage qu’à l’accoutumée et pour l’échange épistolaire parfaitement maitrisé, que j’ai suivi avec entrain et intérêt. Concernant les autres manuscrits, je suis content d’avoir pu les découvrir et je les considère surtout comme un bonus relatif à la plume de Jane Austen.

16 commentaires sur “Lady Susan, Les Waton et Sanditon de Jane Austen

    1. Lady Susan est réellement l’antipode de toutes les héroïnes de Jane Austen et j’ai adoré ça !
      Concernant Les Watson et Sanditon, je les vois vraiment comme un bonus qu’on me fait de pouvoir découvrir ses manuscrits inachevés 😉

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  1. Je préfère le style de fin de vie de Jane Austen que celui de ses débuts, alors je n’avais pas trop accroché à Lady Susan.
    Par contre, je n’ai pas encore lu ces deux titres inachevés et il me tarde de le faire, parce que j’avais adoré la série adaptant Sanditon 😊

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    1. Nous sommes d’accord sur ce point, la plume de Jane Austen prend vraiment en maturité et en style par la suite. Néanmoins, j’ai aimé que l’héroïne diffère des autres 😉

      J’ai vu qu’il y avait une adaptation, il faudrait que je trouve l’occasion de me faire tous les autres formats de ces grands classiques anglais !

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  2. J’aime beaucoup Sanditon, comme tu le dis le cadre m’emporte à chaque fois – on se laisse dépayser ! En revanche, j’avais eu un peu de mal avec Lady Susan, que j’avais lu il y a des années juste après Raison et sensibilité. Il faudrait que je le retente !

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    1. Tu as lu l’édition revisitée ou juste les onze premiers chapitres écrits par Jane Austen ? Personnellement, je préfère me contenter du peu, mais du mieux.
      Lady Susan m’a plu pour le tempérament de son héroïne 😉

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      1. L’édition revisitée ! Elle m’a tout de même plu, même si je comprends mille fois ton point de vue. 🙂

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      2. Alors ma lecture remonte un peu mais je me souviens avoir apprécié le côté « modeste » de la démarche. Pour précision, il s’agissait de la version de Marie Dobbs (je viens de voir qu’il en existait une autre par une certaine Juliette Shapiro).

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  3. J’avais commencé Lady Susan en version audio, mais devant la profusion de personnages, j’ai préféré remettre ma lecture à plus tard et sous forme plus classique. En tout cas, ton avis me donne envie de découvrir Lady Susan et Les Liaisons Dangereuses de manière rapprochée 🙂

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    1. Je pense que la forme épistolaire doit rendre beaucoup mieux à lecture plutôt qu’à l’écoute. Ca te fait l’occasion de découvrir deux très bons classiques ! J’ai hâte de lire tes avis du coup 😉

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