Historique

Du domaine des murmures de Carole Martinez

Note : ★★★★★ — « Aussi violente que captivante à la fois mais aussi pieuse que mélancolique, cette introspection se dessine percutante et pertinente à découvrir. Je me suis laissé porter par la puissante voie de cette sainte héroïne, se cachant dernière Escarmonde, cette jeune demoiselle emprise de liberté et morte recluse en touchante martyr. J’ai été sensible au soin ainsi qu’au raffinement apporté par Carole Martinez dont la prose se veut envoûtante et entêtante à souhait. »


Résumé :
En 1187, le jour de son mariage, devant la noce scandalisée, la jeune Esclarmonde refuse de dire « oui » : elle veut faire respecter son voeu de s’offrir à Dieu, contre la décision de son père, le châtelain régnant sur le domaine des Murmures. La jeune femme est emmurée dans une cellule attenante à la chapelle du château, avec pour seule ouverture sur le monde une fenestrelle pourvue de barreaux. Mais elle ne se doute pas de ce qui est entré avec elle dans sa tombe… Loin de gagner la solitude à laquelle elle aspirait, Esclarmonde se retrouve au carrefour des vivants et des morts. Depuis son réduit, elle soufflera sa volonté sur le fief de son père et ce souffle l’entraînera jusqu’en Terre sainte.

Chronique :
Je me souviens avoir été de suite attiré par sa délicieuse couverture et son intriguant résumé lorsque j’ai vu passer ce roman sur la toile. Le rendu m’a semblé idéal pour la saison et je suis ravi d’avoir pu découvrir cette œuvre en même temps que le déclin des températures et lors de l’apparition des feuilles mortes, accentuant bien davantage l’immersion au sein de cette pieuse prison dans laquelle a décidé de s’enfermer Esclarmonde afin d’échapper à son terrible destin.

En me lançant dans cette satire de la société moyenâgeuse, je ne m’attendais pas être autant happé par l’introspection réalisée par Carole Martinez à travers sa courageuse et indomptable héroïne dont la rencontre n’a pas été sans me rappeler Un bûcher sous la neige de Susan Fletcher, mais aussi Denis Diderot et son œuvre La Religieuse. En effet, il n’est plus secret que l’émancipation désirée par quelques femmes de l’époque était très mal vu dans cette société païenne où les traditions et autres coutumes dirigeaient les mœurs. Les seules indépendance et liberté possiblement offertes à ces jeunes vierges étaient alors la réclusion éternelle et s’est le choix qu’a pris notre héroïne le jour de son mariage arrangé par son père, maître du domaine des murmures. Malheureusement et avant de s’offrir à dieu afin de vivre sa vie bercée de piété et autres prières, notre jeune demoiselle sera violée et un enfant naîtra quelques mois plus tard de cette atroce agression. Décidant de garder le secret de l’identité du père, son fils sera vu comme l’enfant de dieu et une étrange et passionnante fascination naîtra envers cette sainte que semble se dévoiler Esclarmonde. Le pouvoir donné à la sage et réfléchie parole de cette dernière lui confiera un immense pouvoir sur le peuple mais finira par desservir sa cause et ce, jusqu’à une violente et triste déchéance. Je ne peux en dévoiler davantage pour ne pas gâcher votre plaisir mais attendez vous à vivres de vives et sensibles émotions.

Il faut dire que la plume de Carole Martinez est sans appel. Pleine de poésie et de mélancolie mais aussi sensible que raffinée, cette dernière offre une intrigue pleine de sentiments et d’émotions et surtout crainte de sincérité. Avec finesse et profondeur, l’auteure traite de sujets vastes et variés et apporte un regard pertinent sur les coutumes de l’époque. Sans s’alourdir d’un style alambiqué, celle-ci démontre malgré tout son talent grâce à une prose raffinée et tout simplement divine. Je n’ai nullement été gêné par la piété omniprésente bien au contraire. Avec fascination, j’ai suivi le destin tragique de notre protagoniste, dont la rédemption par la dévotion semble être la solution, se dévoilant captivant qui n’a pas été sans me rappeler la figure de la vierge Marie par certains de ces aspects. Je ne sais si Carole Martinez s’est inspirée de ce puissant culte qui lie encore bien des populations à travers le monde pour construire Esclarmonde mais, j’ai retrouvé de nombreuses et séduisantes métaphores et autres points de comparaisons entre ces deux voies du tout-puissant. Mieux encore et bien au delà de la présence de ce dernier, j’ai été encore plus réceptif quant à la critique réalisée envers les coutumes d’antan ne laissant aucune chance aux femmes exceptées celui d’enfanter et de gouverner ne serait-ce que seulement leurs maisonnées. Tout comme j’ai été sensible à la dimension historique apportée à cette œuvre à travers les différentes visions de notre recluse, emportant le lecteur lors des violentes croisades ayant eu lieu des siècles derniers. C’est pourquoi, il me semble assez difficile de classer ce roman tant Au domaine des murmures se dévoile aussi critique que poétique. A travers la touchante introspection de son héroïne, Carole Martinez laisse la parole à un bon nombre de femmes s’étant condamnées à une vie en réclusion afin d’échapper aux bourreaux que pouvaient être parfois les hommes.

Finalement, aussi violente que captivante à la fois mais aussi pieuse que mélancolique, cette introspection se dessine percutante et pertinente à découvrir. Je me suis laissé porter par la puissante voie de cette sainte héroïne, se cachant dernière Escarmonde, cette jeune demoiselle emprise de liberté et morte recluse en touchante martyr. J’ai été sensible au soin ainsi qu’au raffinement apporté par Carole Martinez dont la prose se veut envoûtante et entêtante à souhait.

22 commentaires sur “Du domaine des murmures de Carole Martinez

    1. Merci pour ton doux compliment.

      Il faut dire que ce roman a été un véritable tourbillon d’émotions ! Je suis ravi d’avoir pu rencontrer l’auteure à travers cette œuvre et je suis plus que ravi de poursuivre prochainement sa bibliographie.

      Belle journée à toi.

      Aimé par 1 personne

  1. J’ai entendu parler de ce livre la semaine dernière, tiens! 🙂
    Etant claustrophobe, je ne peux pas dire qu’il m’attire, malgré les bons retours.

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  2. J’avais lu ce roman il y a de très nombreuses années sur les conseils de ma bibliothécaire, et j’avais absolument adoré ! Par contre je n’en garde aucun souvenir, et tu me donnes envie de le redécouvrir…

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    1. Ah, bienvenue au club des petites mémoires. Au moins, tu as l’avantage de redécouvrir une seconde fois cette œuvre et de comparé tes ressentis.
      En tous les cas et de mon côté, j’ai vraiment été captivé par l’histoire et la plume de l’auteure que je vais continuer à découvrir 🙂

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