Contemporaine·Thriller/Policier

Sur les Ossements des Morts d’Olga Tokarczuk

Note : ★★★★★ — « Un tantinet d’ambiance, onirique, initiatique ou critique, Sur les Ossements des Morts est un fin mélange de toutes ces caractéristiques, faisant de cette œuvre un véritable ovni mais surtout une véritable réussite. J’ai aimé me perdre au fin fond de ses landes froides et sauvages, accompagné d’une héroïne sans pareil et des plus attachante possible. »

Résumé :
Janina Doucheyko vit seule dans un petit hameau au cœur des Sudètes. Ingénieur à la retraite, elle se passionne pour la nature, l’astrologie et l’œuvre de William Blake. Un matin, elle retrouve un de ses voisins mort dans sa cuisine, étouffé par un petit os. C’est le début d’une longue série de crimes mystérieux sur les lieux desquels on retrouve des traces animales. La police enquête. Les victimes avaient toutes pour la chasse une passion dévorante. Quand Janina Doucheyko s’efforce d’exposer sa théorie sur la question, tout le monde la prend pour une folle… Car comment imaginer qu’il puisse s’agir d’une vengeance des animaux ?

Chronique :
C’est chez Clément que j’ai découvert ce roman. Séduit par sa couverture ainsi que son résumé, ce dernier a fini par me convaincre de craquer pour celui-ci si tout à la fois et je dois bien admettre que nos avis se rejoignent totalement face à cette grande oeuvre.

Présentée comme une fiction policière, j’ai été plus que surpris et totalement émerveillé de la richesse des nombreuses thématiques abordées par Olga Tokarczuk. Cette dernière ne se contente pas seulement de conter une simple enquête et s’offre le privilège d’offrir un écrit débordant de critiques et constats en tous genres. En passant les portes de cette bourgade polonaise, je ne m’attendais pas à découvrir un univers si froid et hostile à la fois mais tout aussi poétique et parfois même onirique. C’est incroyable comme découvrir le quotidien de ces campagnards s’est révélé exaltant et stimulant. J’ai pris un incroyable plaisir à découvrir le dur labeur des habitants du plateau au Courant d’air et bien qu’isolés de tous, ceux-ci ne manquent nullement d’action ces derniers temps. En effet, une série de meurtres a lieu depuis la découverte du corps sans vie de Grand Pied, le voisin et braconnier de notre chère et attachante vieille narratrice, Jennina. Cette dernière décide alors en quelque sorte d’enquêter tant la police ne semble pas se soucier du destin des habitants et encore moins des animaux de cette campagne profonde. S’en suit alors une véritable et une profonde critique quant aux méfaits de la chasse et du braconnage. A travers Sur les Ossements des Morts, l’auteure prend la parole à la place de faune locale et j’ai été plus que réceptif au message habilement et finement dévoilé au cours de cette lecture. Celle-ci offre une véritable ode à la nature et j’ai adoré ce doux moment d’évasion, contrastant totalement avec la sombreur et la froideur du décor implanté avec minutie. Mieux encore, Olga Tokarczuk offre un roman à multiples lectures grâce aux nombreux et variés sujets abordés tels que l’isolement, le vieillissement et ses conséquences physique et psychologique sur la personne, mais aussi la solidarité, la spiritualité, l’ésotérisme et tant d’autres encore. A tel point qu’une seule lecture ne peut suffire  à cette œuvre pour la comprendre dans son entièreté et l’interpréter comme il se doit. D’autant plus que l’auteure dépeint une œuvre d’ambiance magistrale et pleine de sensibilité tout en démontrant une plume des plus engagée qu’il soit. Son style est quant à lui des plus accessible, bien que parfois fortement aérien, et se déguste avec délice tant il se veut fin gourmet.

Mon voyage n’aurait pu être aussi vif et susciter autant d’entrain sans le merveilleux personnage qu’est Jennina. Je me suis très vite attaché à cette veille dame faible et solide à la fois. A elle seule, elle est la gardienne de cette terre sacrée et de ses environs. Tantôt mégère, tantôt professeure ou bien encore astrologue et parfois sénile, cette dernière se dévoile construite avec finesse, subtilité et profondeur. Malgré sa courte durée, Olga Tokarczuk est parvenue à donner une véritable âme à son héroïne et dévoile un personnage entier et des plus humain qu’il soit. Entre ses railleries, son intelligence et son altruisme, ce personnage à multiple facettes n’a pas fini de vous surprendre et de vous séduire comme j’ai pu moi-même l’être. Sorte de huit-clos, chaque autre protagoniste dévoilé dans ce récit se veut tout aussi finement élaboré et quand bien même certains ont très rapidement découvert les secrets que ceux-ci peuvent cacher, je me suis laissé surprendre par la tournure des événements. Ainsi, la finalité m’a plus qu’étonné et surpris tant je peux me montrer parfois bien naïf et ne me méfier de l’eau qui dort. Néanmoins et si je devais quelque peu chipoter, j’avoue que les nombreux surnoms donnés aux différents protagonistes par notre narratrice m’ont souvent fait perdre la tête tant j’ai eu parfois du mal à identifier qui était qui.

Ainsi et un tantinet d’ambiance, onirique, initiatique ou critique, Sur les Ossements des Morts est un fin mélange de toutes ces caractéristiques, faisant de cette œuvre un véritable ovni mais surtout une véritable réussite. J’ai aimé me perdre au fin fond de ses landes froides et sauvages, accompagné d’une héroïne sans pareil et des plus attachante possible. La plume de l’auteure se dessine à la fois poétique et engagée et son style aérien et fluide à souhait. Je ne peux que vous recommande ce délicieux voyage au cœur de la Pologne.

Cette lecture a été réalisée à l’occasion du Shiny Summer Challenge – 2022 : Menu Eté ensoleillé – Catégorie Mort sur le Nil.

27 commentaires sur “Sur les Ossements des Morts d’Olga Tokarczuk

    1. Je ne m’attendais pas à une telle lecture en me lançant dans ce roman catégorisé de policer alors qu’il est clairement bien plus que ça ! C’est une riche expérience de lecture que je ne peux que te recommander 😉

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    1. Je te rassure, je me suis lancé dans ce roman sans me référer au prix n’y connaissant que peu de choses et j’ai adoré ma lecture grâce à la plume singulière de l’auteure.

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    1. Sublime et envoutante ! D’autant plus qu’elle représente une partie de l’intrigue avec fierté.
      J’ai vraiment été surpris par ce roman que j’ai adoré pour sa singularité et ses sujets variées et aboutis.

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  1. J’avais lu un roman d’elle au moment où elle avait eu son prix Nobel et j’avais adoré. Mais c’est vrai que depuis… Je n’ai plus rien lu d’elle alors qu’elle a un certain nombre de romans qui me tentent énormément, dont celui-ci et Le livre de Jacob.

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    1. Je t’avoue que je ne connaissais absolument pas cette auteure et maintenant que j’ai découvert son art, si singulier et délicieux, j’espère avoir l’occasion de la retrouver également 😉

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  2. Il a l’air d’une grande richesse ce roman et ce que tu dis de Jennina me donne envie de la rencontrer. Et je dois dire être assez sensible au fait qu’il y ait une réelle critique des méfaits de la chasse et du braconnage…

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    1. Il l’est totalement. En ayant découvert l’avis de Clément je m’y attendais mais je ne pensais pas à quel point. Ce récit regroupe tout un panel de genre et en est un savoureux mélange. La plume de l’auteure n’est pas sans reste non plus et offre une véritable critique de la société actuelle quant à la souffrance animalière, chose à laquelle je suis moi aussi sensible.
      Sincèrement, je suis convaincu que Jennina saura te séduire grâce à son côté révolutionnaire mais aussi pragmatique à la fois et un tant soit peu barré.

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  3. OH Mon Dieu, je suis tellement content de voir que tu as passé une superbe lecture !! Je suis d’accord avec toutes tes paroles dont je me suis délecté, surtout cette phrase : « Son style est quant à lui des plus accessible, bien que parfois fortement aérien, et se déguste avec délice tant il se veut fin gourmet. » – comment ne pas être d’accord ?!
    Je ne sais pas s’il était ton premier livre de l’auteure, mais sa plume est ainsi présente dans tous ses romans : c’est sa pure singularité et c’est bien ce qui lui a permis de gagner le Nobel.

    Aussi, il est évident que si cette lecture t’a plu, tu dois absolument lire Dieu, Le Temps, Les Hommes Et Les Anges de cette même auteure. C’est, à mes yeux, mon livre préféré de Tokarczuk et – de loin – l’un des plus beaux livres que j’ai jamais lu. J’ai déjà parlé de celui-ci avec Amélie Nothomb, elle et moi étions d’accord pour le nommer comme « chef-d’œuvre », j’espère que cela pourra te convaincre !

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    1. Je me doutais que tu serais ravi de mon enthousiasme ! Il faut dire que je ne pensais pas faire face à un roman avec tant de facettes. Le qualifier de roman policier est bien réducteur tant il remplit plusieurs genres à lui seul.

      Etant mon premier roman de l’auteure, je te remercie pour ces chaleureuses recommandations que je me note sans faute. J’avoue qu’après un telle lecture, je préfère attendre de peur de trop comparer deux différentes oeuvres. Pour sûr, Dieu, le Temps les Hommes et les Anges est dors et déjà inscrit à ma WL !

      Merci à toi 😉

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      1. Enfin, qualifier ce roman de ‘roman policier’ est tellement réducteur. Certes, il y a un fond d’enquête, mais finalement…ne serait-ce pas le moins important de tout le roman ?

        Je comprends ton envie d’attendre un peu, et tu fais bien, surement, de le faire. Normalement, je crois savoir qu’un autre de ses romans va paraître en France lors de la rentrée littéraire – et j’ai si hâte !!
        Je suis bien heureux de le savoir dans ta wishlist, et j’attendrai ton avis dessus avec impatience !

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